« Une première victoire » : Polytechnique claque la porte à Microsoft 365 et choisit le logiciel libre, la révolte déferle les universités

Derrière cette décision, c’est toute la stratégie technologique de l’enseignement supérieur qui se retrouve brutalement remise en question.

Publié le

Sous la pression d’une contestation inédite, Polytechnique stoppe net sa transition vers Microsoft 365, révélant un malaise profond.

Annoncé avec fracas, Microsoft 365 s’arrête net à Polytechnique : c’est désormais officiellement terminé ici. Après des mois de tensions et une procédure portée par le Conseil National du Logiciel Libre, l’école d’ingénieurs la plus reconnue du pays fait marche arrière. Cette suspension met un terme net à une décision jugée trop pressée, trop liée à une plateforme étrangère, et franchement risquée. Pour beaucoup, ce revirement dépasse l’administratif : il touche à la souveraineté numérique, à l’indépendance et à la cohérence politique nationale.

Microsoft 365 à Polytechnique, un projet miné dès le départ

Le projet avait tout pour mal finir. En misant sur Microsoft 365, la direction de Polytechnique exposait l’établissement à des risques difficiles à ignorer. La loi française, notamment le Code de l’éducation, donne la priorité aux logiciels libres dans l’enseignement supérieur et fixe un cadre clair. De l’autre côté, les outils Microsoft restent soumis au Cloud Act américain, qui autorise les autorités des États-Unis à accéder à certaines données hébergées, y compris sur des serveurs établis en Europe. En clair, les informations issues de la recherche française pouvaient se retrouver, en théorie, accessibles à des puissances étrangères.

Le CNLL n’a pas laissé passer. L’organisation, qui milite depuis des années pour la protection des données publiques, a décidé de monter au front. Une menace juridique plane, et la direction comprend vite que la partie n’est plus tenable. L’époque où l’on pouvait signer un contrat Microsoft sans se poser de questions est révolue. Aujourd’hui, chaque choix technologique devient un acte politique.

Cette décision n’est pas qu’un désaveu pour la direction de l’école. C’est aussi un signal fort envoyé à tout l’enseignement supérieur. Les règles ont changé : la souveraineté numérique n’est plus une posture idéologique, c’est un impératif juridique et stratégique.

Un mouvement collectif qui dépasse le cas Polytechnique

Cette suspension n’est pas tombée du ciel. Derrière la volte-face, il y a eu une mobilisation discrète mais puissante. Des enseignants, des chercheurs, des syndicats, des députés : tous ont fait entendre leur voix. Philippe Latombe, connu pour ses positions sur la cybersécurité et la souveraineté, a interpellé le gouvernement sur les risques de ce projet. Ses arguments ont fait mouche : l’usage de Microsoft 365 à Polytechnique allait à l’encontre de la législation sur la protection des zones sensibles et de plusieurs circulaires ministérielles.

Pendant que l’administration tergiversait, la pression médiatique montait. Les communiqués du CNLL ont circulé, les réseaux sociaux se sont enflammés, et les premières failles juridiques du projet sont apparues au grand jour. Derrière le jargon technique, une réalité simple : la dépendance à un géant étranger n’est jamais neutre.

Au même moment, l’autorité autrichienne de protection des données (équivalent de la CNIL) publiait une décision sévère contre Microsoft 365 Education, jugé non conforme au RGPD. Les données d’étudiants y étaient exploitées à des fins commerciales sans leur consentement explicite. L’affaire française a pris une autre dimension : Polytechnique devenait le symbole d’une lutte européenne pour la maîtrise des données publiques.

Sortir du déni technologique

Pour le co-président du CNLL, Stefane Fermigier, cette affaire illustre un problème bien plus large : l’aveuglement des institutions face à la dépendance numérique. Croire qu’un simple contrat ou un avenant peut protéger les données françaises des lois américaines serait, selon lui, un “leurre dangereux”. Son message est clair : il est temps de sortir du déni et de repenser notre rapport à la technologie.

L’affaire Microsoft 365 – Polytechnique est désormais devenue un cas d’école. Elle résume un paradoxe français : vouloir innover sans remettre en cause la domination des grandes plateformes américaines. Dans un contexte où la souveraineté numérique est discutée à Bruxelles, à Paris et dans les universités, cette affaire agit comme un révélateur. Les administrations ne peuvent plus ignorer le cadre légal, ni faire passer la commodité avant la sécurité.

Fermigier le rappelle : le numérique français dispose d’alternatives crédibles. Des solutions libres, interopérables, hébergées sur le sol national existent déjà. Il manque simplement la volonté politique et la rigueur juridique pour les imposer. Polytechnique, en renonçant à Microsoft, ouvre peut-être la voie à un modèle plus responsable.

L’heure du logiciel libre

Le CNLL n’a pas seulement gagné une bataille. Il a réussi à imposer un débat. Face à la pression, il propose désormais son aide à toutes les universités qui souhaitent se mettre en conformité avec la loi. L’organisation met en avant un réseau de prestataires français capables d’assurer les mêmes services que les géants américains, sans dépendance, ni compromission.

Cette victoire dépasse largement le cadre de Palaiseau. Elle interroge le rôle même de l’enseignement supérieur dans la protection du savoir et de la recherche. Si une institution comme Polytechnique peut se tromper de cap, que dire des établissements plus petits, souvent démunis face à la puissance marketing de Microsoft ?

La souveraineté numérique n’est pas un luxe, c’est une question d’autonomie nationale. Reprendre le contrôle sur ses données, c’est aussi préserver son avenir scientifique et industriel.

Faites passer le mot : partagez cet article avec vos proches.