La nouvelle cible des squatteurs, ce sont désormais les maisons laissées en suspens par une succession. Fini le temps où seuls les appartements vides ou les résidences secondaires isolées étaient visés. Aujourd’hui, les squatteurs scrutent les biens familiaux en attente de partage, ces logements restés sans propriétaire désigné pendant des mois. Un vide juridique, un jardin mal entretenu, une boîte aux lettres pleine, et la porte s’ouvre. Ce glissement inquiète autant qu’il interroge : comment ces maisons, autrefois invisibles, sont-elles devenues les nouveaux terrains de chasse des squatteurs ?
Des biens hérités laissés entre deux mondes
La nouvelle cible des squatteurs s’explique souvent par une simple absence. Une maison en succession, c’est un bien figé dans le temps : ni vendu, ni habité, ni entretenu. Entre le décès d’un proche et la clôture administrative, des mois passent, parfois des années. Pendant ce laps de temps, les héritiers hésitent, discutent, repoussent la décision. Et pendant ce vide, la maison s’endort. Rideaux tirés, pelouse en friche, volets fermés : des signes qui ne trompent pas ceux qui cherchent un abri gratuit.
Ces propriétés deviennent parfaites pour une installation discrète. Pas de propriétaire officiel pour porter plainte rapidement, pas de surveillance régulière, et souvent, un voisinage résigné. En milieu rural, c’est encore plus flagrant. Des fermes désertées ou de vieilles bâtisses familiales se retrouvent occupées sans que personne ne s’en rende compte avant des semaines. La nouvelle cible des squatteurs n’a plus rien d’un hasard : elle est le fruit d’une observation précise des failles du système.
Des successions bloquées, des intrusions facilitées
Les maisons héritées ne sont pas les seules concernées. Des terrains familiaux, des péniches, voire des entrepôts privés tombent aussi dans cette zone grise. Les héritages partagés entre plusieurs personnes ralentissent tout, surtout quand les cohéritiers ne s’accordent ni sur la vente ni sur la gestion du bien. Ce flou administratif attire les intrus.
Dans plusieurs régions, des affaires récentes ont illustré cette dérive. En Haute-Garonne, une ferme familiale est restée squattée deux ans avant récupération. À Stains, une maison de maître en succession a été notamment occupée par une centaine de personnes, entièrement dégradée à leur départ. Les familles retrouvent leurs biens dans un état catastrophique, quand elles parviennent à les récupérer.
Les experts constatent que les squatteurs se renseignent désormais sur les maisons en indivision, notamment par le biais des annonces immobilières inactives ou des registres cadastraux. Ce qui était autrefois un hasard devient une méthode. Et derrière chaque occupation, une famille hébétée qui découvre la fragilité du droit de propriété face à la lenteur administrative.
Résidences secondaires et maisons familiales : même combat
Les villas du Sud et les chalets de montagne n’ont pas disparu du radar. Elles restent des cibles. Mais face à la surveillance accrue et à l’évolution de la loi, la nouvelle cible des squatteurs s’est déplacée vers des biens moins protégés. Les maisons familiales en attente de succession sont perçues comme moins risquées. Il n’y a souvent ni gardien, ni agent immobilier, ni surveillance vidéo. Les squatteurs savent notamment qu’ils auront le temps de s’installer avant qu’une plainte soit déposée.
En Île-de-France, des pavillons hérités dans des zones pavillonnaires désertées le week-end sont régulièrement occupés. Et en Occitanie, ce sont des fermes isolées, loin de tout poste de gendarmerie. En PACA, les villas héritées par des familles éparpillées se retrouvent inhabitées pendant des années. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : quatre régions concentrent la majorité des cas, souvent dans des communes où la vacance immobilière s’allonge. Les communes tentent de réagir, mais le problème dépasse souvent leurs moyens. À chaque maison vide, une opportunité. À chaque délai administratif, une porte entrouverte.
Le droit tente de rattraper la réalité
La loi Kasbarian-Bergé, votée en 2023, marque un tournant. Trois ans de prison et 45 000 euros d’amende : le message est clair. Le squat n’est plus une zone d’ombre. Mais la nouvelle cible des squatteurs reste difficile à protéger. Entre la lenteur des successions et les démarches complexes d’expulsion, les délais jouent toujours contre les propriétaires.
Certains maires réclament des moyens juridiques supplémentaires pour agir plus vite. D’autres misent sur la prévention : faire recenser les maisons en indivision, encourager les héritiers à désigner un représentant légal, installer une surveillance minimale sur les biens vacants. Les notaires, eux, tirent notamment la sonnette d’alarme. Plus une succession s’éternise, plus le risque d’intrusion augmente.
Les autorités locales signalent une hausse de 40 % des signalements liés aux maisons vacantes depuis deux ans. Ce chiffre n’inclut pas les occupations temporaires passées sous silence, faute de dépôt de plainte.
Comment éviter que son bien ne devienne la nouvelle cible des squatteurs ?
Les familles commencent à s’organiser. Caméras, alarmes connectées, passage régulier sur place, alertes au voisinage : chaque geste compte. Les héritiers les plus prudents engagent des sociétés de gardiennage ou signent des conventions d’occupation temporaire pour éviter que la maison reste vide. Certains vont jusqu’à prêter la maison à un proche ou à la mairie pour une utilisation ponctuelle.
Ainsi la vigilance collective joue aussi un rôle clé. Prévenir la mairie d’un bien momentanément vacant permet d’activer des réseaux de surveillance. Les voisins, souvent les premiers témoins, deviennent les meilleurs alliés. Un portail entrouvert, une lumière inhabituelle, une présence suspecte : tout signalement rapide peut éviter des mois de bataille juridique.
Car une fois installés, les squatteurs deviennent difficiles à déloger, même avec la nouvelle loi. La nouvelle cible des squatteurs ne se limite plus à des villas luxueuses ou à des résidences isolées. Elle s’invite dans le quotidien de familles ordinaires, parfois endeuillées, souvent dépassées. Ces occupations illégales révèlent surtout une faille : entre le droit de propriété et la réalité du terrain, la distance s’élargit. Tant que des maisons resteront sans regard ni décision, elles resteront vulnérables et les squatteurs, eux, toujours à l’affût.