Préparatrice en pharmacie depuis 27 ans, elle est virée pour absence de diplôme : son employeur est condamné pour ne pas avoir vérifié sa qualification

Après vingt-sept ans de service, une préparatrice en pharmacie découvre que l’erreur de son employeur lui donne raison.

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Après 27 ans derrière le comptoir, cette préparatrice en pharmacie voit enfin la justice lui donner raison.

Vingt-sept ans derrière le comptoir, des ordonnances par milliers, un parcours sans tache. Et puis, un matin, tout s’effondre. Préparatrice en pharmacie depuis 1998, elle n’aurait jamais imaginé voir sa carrière basculer pour un simple diplôme manquant, un jour. Ce renvoi pour absence de diplôme pose une question que beaucoup d’employeurs préfèrent ignorer : qui doit vraiment vérifier la qualification d’un salarié ? Derrière ce dossier apparemment banal, se joue une histoire de confiance mal placée, de négligence qui dure, et de justice tardive.

Une carrière sans nuages… jusqu’au contrôle

Elle avait commencé jeune, dans une petite pharmacie du Sud de la France. Blouse blanche repassée, sourire tranquille, gestes précis. L’ambiance était bonne, presque familiale. Les journées passaient sans heurts, rythmées par les ordonnances et les conseils donnés aux clients. Pendant des années, personne n’avait remis en cause sa place derrière le comptoir. Les patrons changeaient, les enseignes aussi, mais son contrat suivait, transféré d’un propriétaire à l’autre, sans qu’aucun ne s’attarde sur les détails administratifs.

Puis, fin 2017, tout s’est figé. Un contrôleur de l’Agence régionale de santé pousse la porte de l’officine pour une vérification de routine. Les dossiers du personnel sont passés au peigne fin. Tous sont conformes, sauf le sien. Le diplôme introuvable. L’employeur s’inquiète, demande des explications, puis adresse deux courriers. Silence total. La salariée est en arrêt maladie depuis décembre, et les échanges s’enlisent.

L’affaire prend un tour plus dur. En février 2018, la sanction tombe : licenciement pour absence de diplôme. L’employeur parle de mensonge, de faute grave. Il estime qu’elle a exercé un métier encadré sans y être autorisée, exposant la pharmacie à des sanctions pénales. De son côté, la préparatrice nie toute dissimulation. Elle soutient que ses anciens patrons étaient informés, qu’elle travaillait sous une forme d’agrément temporaire, le temps d’une régularisation. Selon elle, le nouveau propriétaire n’a jamais pris la peine de vérifier les dossiers lors du rachat de l’officine.

Une bataille judiciaire pleine de rebondissements

La suite, c’est un feuilleton judiciaire digne d’un cas d’école. En 2021, le conseil de prud’hommes lui donne raison. Le licenciement sans diplôme est reconnu abusif ici. L’employeur versera plus de 34 000 euros d’indemnités à la salariée, finalement. Soulagement bref, car deux ans plus tard, la cour d’appel renverse totalement l’affaire de fond. Pour les magistrats, elle a manqué à son devoir de loyauté. Ne pas avoir informé son employeur de l’absence de diplôme est, selon eux, une faute grave.

Mais la salariée refuse de s’arrêter là. Elle saisit la Cour de cassation. Et c’est là que tout change. En 2025, la plus haute juridiction annule finalement la décision précédente rendue. Les juges estiment que l’employeur, ayant maintenu la relation de travail durant des années sans vérifier les qualifications de sa salariée, ne peut invoquer sa propre négligence pour justifier un renvoi jugé brutal. En clair, la faute n’est pas unilatérale : chacun assume une part réelle de responsabilité partagée.

La Cour condamne la pharmacie à lui verser 3 000 euros, au titre des frais de procédure. Somme modeste, mais décision symbolique, presque morale. Elle rappelle une vérité que beaucoup oublient : il revient à l’employeur de vérifier les diplômes, non au salarié de prouver sans relâche sa légitimité.

Une jurisprudence qui rappelle les devoirs de chacun

Pour Me Henri Guyot, avocat en droit du travail, cette affaire n’est pas isolée. “Lors d’un rachat, les contrats passent d’une main à l’autre, souvent sans que personne ne prenne le temps de vérifier les détails. Le second employeur pense que le premier a déjà tout contrôlé. C’est une erreur courante, aux effets lourds, glisse-t-il aujourd’hui. Il rappelle qu’un poste de préparateur en pharmacie n’admet aucune improvisation, ni approximations dangereuses.

La profession demeure encadrée, exigeante, sous une réglementation stricte quotidienne. Oublier de contrôler les diplômes n’est pas une simple bévue, c’est une faute managériale réelle. Cette affaire prouve qu’un licenciement pour absence de diplôme n’efface pas des années de tolérance, d’aveuglement administratif partagé accumulé. Quand l’employeur ferme les yeux, il partage la responsabilité.

L’histoire n’est pourtant pas terminée. Le dossier revient devant la cour d’appel pour un nouvel examen. La justice devra trancher, une fois de plus. Mais l’essentiel est dit : la confiance ne suffit pas. En droit du travail, l’oubli n’excuse rien.

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