Quatre activistes portugais revenus de Gaza se voient aujourd’hui réclamer leurs frais de rapatriement. Une décision qui fait scandale.
L’affaire fait grand bruit. Quatre citoyens portugais, revenus d’Israël après avoir été arrêtés, viennent d’apprendre qu’ils devront payer leur vol retour. Une note salée pour ces bénévoles, membres d’une mission humanitaire à destination de Gaza. Et derrière la facture, une question brûlante : jusqu’où un État doit-il aller pour soutenir ses ressortissants engagés à titre personnel ?
Militants de la flottille au Gaza : cette polémique qui divise
Les quatre militants de la flottille au Gaza – Mariana Mortágua, Sofia Aparício, Miguel Duarte et Diogo Chaves – participaient à la Global Sumud Flotilla, un collectif international cherchant à briser le blocus maritime imposé à Gaza depuis 2007. Ils affirment être partis pour aider, rien d’autre. Leur périple s’est terminé menotté, arrêt en Israël, puis retour au Portugal sous escorte.
À l’arrivée, une enveloppe les attendait du ministère des Affaires étrangères. Dedans, la note détaillée du trajet retour et un formulaire bien officiel à remplir pour régler la somme. Pas un mot de plus, juste la procédure et la facture. Aucune précision sur le montant exact, mais une consigne claire : chacun devra régler sa part.
Le gouvernement justifie cette démarche par “des raisons logistiques et administratives”. En clair, l’État a avancé les coûts, mais ne les assumera pas à long terme. Une application stricte du règlement consulaire, qui stipule que tout rapatriement non lié à une mission officielle peut être refacturé.
Pour les intéressés, la pilule passe mal. Mariana Mortágua, figure du Bloc de gauche, a pris la parole sur X pour exprimer sa colère : « La destination, c’était Gaza, pas Israël. On nous a emmenés là-bas de force. Et maintenant, on nous envoie la facture ? »
Entre humanitaire et politique
L’affaire dépasse le simple cadre administratif. Elle touche à la frontière entre solidarité et responsabilité individuelle. Selon Francisco Pereira Coutinho, spécialiste de droit international, le remboursement des frais de rapatriement au Portugal repose sur un principe clair. Si la mission n’a pas reçu le feu vert de l’État, la note ne lui revient pas. Chacun paye sa part. « C’est une façon de rappeler que nos décisions à l’étranger nous engagent personnellement », confie-t-il à Euronews. En d’autres termes, partir en mission humanitaire sans cadre officiel, c’est prendre le risque d’en assumer les conséquences.
Mais tout le monde ne partage pas cette lecture. Pour une partie de l’opinion, l’État portugais aurait pu faire preuve d’empathie. Ces militants de la flottille au Gaza n’étaient ni des touristes imprudents, ni des provocateurs politiques. Ils tentaient d’acheminer une aide symbolique vers une zone sous blocus depuis plus de quinze ans.
Le geste de leur réclamer le remboursement paraît, à certains, froid et bureaucratique. “Un gouvernement décent enverrait la facture au génocidaire”, a répliqué Mortágua. Derrière ses mots, la frustration d’une élue qui estime que l’État se range du mauvais côté de l’histoire.
Cette tension révèle un dilemme profond : où s’arrête la solidarité nationale ? Le gouvernement espagnol, lui, a choisi une autre voie. Madrid a réglé les billets de retour de ses propres participants à la flottille, sans leur demander un centime. Une approche politique assumée, destinée à éviter la polémique. Lisbonne, au contraire, revendique une neutralité de principe. Une position légale, mais impopulaire.
Un débat qui en dit long sur l’Europe et ses contradictions
Le remboursement des frais de rapatriement des activistes revenus de Gaza ouvre un débat plus large. Celui de la responsabilité morale des États européens face à leurs citoyens engagés dans des causes internationales. Le cas portugais met en lumière une ligne de fracture : d’un côté, la rigueur administrative ; de l’autre, la dimension humaine.
Le ministère portugais affirme simplement appliquer la loi. Mais dans les faits, cette rigidité envoie un message politique clair. Les militants de la flottille au Gaza sont renvoyés à leur statut de citoyens ordinaires, sans traitement particulier, malgré le caractère humanitaire de leur action.
Cette posture révèle aussi une peur : celle d’être perçu comme un gouvernement prenant parti dans le conflit israélo-palestinien. Francisco Pereira Coutinho le souligne : « L’État cherche à minimiser la portée politique de cette affaire. » Pourtant, ne pas choisir, c’est aussi un choix. Et celui-ci passe mal, surtout quand des bénévoles paient le prix d’un engagement pacifique.
Pour ces quatre Portugais, la facture dépasse largement le coût d’un billet d’avion. Elle symbolise le poids de l’indifférence institutionnelle face à l’initiative citoyenne. Mariana Mortágua, dans un dernier message amer, l’a résumé avec ironie : « Je paierai mon billet, pour prouver qu’il existe des ministres sans colonne vertébrale. »
Une phrase qui résonne fort dans le débat public. Et qui rappelle que ce remboursement n’est plus seulement une question d’argent. C’est un test de valeurs.