Dans la Loire, un habitant électrosensible obtient un gain d’appel : son compteur Linky sera retiré, une victoire symbolique nationale majeure.
Une victoire vient de tomber, inattendue pour certains, espérée depuis longtemps pour d’autres. La justice française a osé poser une limite. Pour la première fois, un tribunal a ordonné à Enedis de retirer le compteur Linky d’un foyer. Cette décision résonne comme un électrochoc dans le débat sur les technologies imposées aux habitants.
Un jugement qui change la donne
L’affaire démarre en 2022 dans un coin tranquille de la Loire. Pierre Cascina voit sa vie bouleversée après l’installation d’un compteur Linky. Les nuits deviennent difficiles, les migraines s’accumulent, le corps réagit comme si ce petit boîtier vert l’agressait sans relâche. Fatigué de souffrir dans le silence, il décide d’affronter Enedis en justice. En 2024, le tribunal administratif de Lyon tranche : l’appareil doit être retiré sous 90 jours.
C’est un verdict inédit. Les juges n’ont pas exigé de preuves scientifiques irréfutables, ils ont simplement reconnu la souffrance de cet homme. Ils ont choisi le principe de précaution, là où tant d’autres institutions s’abritent derrière des normes ou des seuils d’exposition. La décision ouvre une brèche. Jusqu’ici, Enedis refusait catégoriquement d’entendre les plaintes, arguant de la conformité de ses équipements. Cette fois, le discours ne suffit plus.
Pour les associations, c’est bien plus qu’un simple cas individuel. Cette première victoire pourrait inspirer des centaines de plaignants. Plus de 1200 dossiers seraient déjà prêts à suivre le même chemin. Derrière ce jugement, il y a une idée simple : chacun devrait avoir le droit de retirer le compteur Linky s’il estime qu’il nuit à sa santé ou à sa tranquillité.
Retirer les compteurs Linky : la fracture entre modernité et santé
Le compteur Linky n’est pas un objet neutre. Présenté comme un outil de modernisation du réseau électrique, il s’accompagne d’un discours séduisant : économies d’énergie, relevés automatiques, moins de déplacements inutiles. Sur le papier, tout paraît en effet aligné avec la transition écologique. Dans la réalité, le déploiement laisse derrière lui une traînée de méfiance et de témoignages troublants.
Des milliers de citoyens rapportent des symptômes après l’installation : troubles du sommeil, acouphènes, sensations de brûlure internes. Le médecin Patrice Fenech alerte d’ailleurs sur « l’effet cocktail » des ondes électromagnétiques, cumulées avec celles des téléphones, du Wi-Fi ou des antennes. Il estime que 3 à 5 % de la population pourrait être particulièrement sensible. Pendant ce temps, l’Agence nationale de sécurité sanitaire maintient qu’aucun lien n’est prouvé. Deux visions s’opposent, et au milieu, des personnes malades qui demandent simplement d’être entendues.
Une étude récente de l’INSERM souligne que 67 % des Français souhaitent aujourd’hui davantage de protection contre les ondes artificielles. Ce chiffre révèle un climat d’inquiétude grandissant. Ce n’est plus une poignée de militants isolés : c’est une partie de la société qui réclame une réponse. Sur le terrain, le déploiement laisse surtout une impression tenace : les gens se méfient. Les récits s’accumulent, parfois bruts, parfois hésitants, mais ils reviennent avec les mêmes mots. Insomnies qui s’étirent. Oreilles qui sifflent. Sensations de brûlure qui déroutent.
Vers un nouveau rapport de force
L’affaire Cascina dépasse largement son domicile. Elle met en effet en lumière un enjeu plus vaste : le consentement face aux technologies. Depuis des années, les foyers voient s’imposer des infrastructures numériques sans réelle possibilité de dire non. Cette fois, la justice rappelle que le choix existe. La ministre de la Transition écologique a même annoncé un audit pluridisciplinaire, associant médecins, juristes et associations. Une première depuis le lancement du programme Linky en 2015.
Ce mouvement pourrait marquer le début d’un changement. Le Défenseur des droits lui-même avait alerté sur le vide réglementaire entourant ces installations. Il faudra désormais définir un cadre clair, où innovation et respect des libertés individuelles se rencontrent. Car le progrès technique n’a de sens que s’il s’accompagne d’un droit fondamental : celui de décider ce qui entre chez soi.
La décision lyonnaise ne règle pas tout, mais elle ouvre une voie. Elle rappelle que la transition énergétique ne doit pas écraser la santé publique ni ignorer les ressentis. Elle donne de l’espoir à ceux qui se battent depuis des années. Et surtout, elle prouve qu’il est possible de retirer le compteur Linky, même face à un géant comme Enedis.